
https://youtu.be/tzkqFYxDv88
Journal d’une infirmière
Printemps 2020
A l’hôpital, les infirmières assurent les soins de confort et de bien être des malades et exécutent les prescriptions médicales. Elles sont responsables de la prise en charge globale du malade sur le plan physiologique, social et psychologique.
Diplôme d’état d’infirmier obligatoire pour exercer la profession.
Salaire moyen de 1750 euros net par mois.
6h00:Mon rêve est magnifique. Mes enfants courent dans un grand pré fleuri par le printemps généreux. Des rires, des cris de rires et des pleurs de rires. Allongées dans l’herbe, elles viennent se blottir contre moi. Mon paradis. Je ferme les yeux et me réveille dans la vraie vie.
6h10:Ce matin, j’ai un cœur serré qui songe à l’après sans profiter d’un présent déjà très beau. Comblée, j’ai travaillé dur pour être ce que je suis, mais aujourd’hui, j’ai peur. Mon clan est encore dans le pays des songes heureux et j’entends leur sommeil me rappeler que le salut ne pourra s’apprivoiser qu’entre ces murs.
7h30:Au volant de ma voiture, je me rapproche du lieu que j’ai espéré tant de fois quand j’étais enfant. J’ai désiré être infirmière et ces journées ne sont, pourtant, plus aussi claires qu’au début de cette carrière encore si jeune. Peut-être serait-il temps de partir et de quitter ce monde de fou. Changer de vie et aspirer à d’autres envies.
Mes idées se mêlent et s’entremêlent…
Mon cœur bats à tout rompre dans cette carcasse vieille de crainte et si novice de doute.
Et les miens, que deviendront-ils si je ne peux pas rentrer ce soir?
7h50:Je me gare et je les vois, courant dans cette course qui semble perdue d’avance, les personnels soignants, nouveaux héros modernes de notre pays.
Je mets ma combinaison et m’enveloppe de ce tissu qui saura, peut-être, me protéger de …
8h00:La cloche retentit et le combat commence. Je soigne. J’aide. J’écoute.
Un tourbillon m’empoigne pour me balancer de sentiments en émotions. De joies aussi courtes qu’intenses à des pleurs recouvrant la tragédie du cauchemar.
Il y a cette solitude du lit qui ne restera pas vide très longtemps car les guérisons cachent le désarroi. On ne s’approche plus. On devient risque pour l’autre et on s’évite. Les sourires cachés derrières nos masques ne sont même plus des remparts à la folie.
Dans ce cirque austère et blanc, je ne peux m’empêcher de penser aux miens. Et s’ils se retrouvaient branchés à ces respirateurs inconscients de tristesse. Et si j’étais enfermée dans ces pièces à attendre la fin d’une vie oubliée.
On essaie de rassurer les gens mais la réalité est autrement plus froide et amère.
20h10:Je rentre aspergée de ces produits désinfectants, aussi propre que la javel et tellement sale de pessimisme. Rongée.
Je me retrouve seule dans la voiture et m’effondre dans mes larmes. Je veux m’enfuir et oublier.
J’ai la haine d’être applaudie à 20h et méprisée à 15h car c’est trop difficile de rester chez soi par un si beau temps… Je me sens bafouée et privée des conséquences de mes actes soi-disant «héroïques». Je pars, alors, avec cette sensation tenace de n’avoir servie à rien. J’espère que quelques-uns rentreront chez eux.
Et si je couvais ce numéro infernal qui sait attendre assez pour contaminer mon corps et le leur.
Je ne veux pas les perdre. Je ne veux pas les sacrifier. Je rêverais tant de fermer la porte de la maison et de rester cloîtrer, enfermée, confinée. Sentir leurs cœurs battre et patienter jusqu’à la fin de la tempête.
Ne ressortir que le jour où l’on pourra s’embrasser de nouveau.
20h32:J’arrive bientôt. Une journée de plus. Une de moins. Je suis perdue. Seule.
Je voulais, juste, être infirmière.
En cette saison maudite, mes rêves sont beaucoup plus plaisants que ma vie.
Ce soir, je veux les prendre par la main et retourner dans ce champ bercé par le soleil.
A celle qui se préfère boudin de sa sœur
De ONE LOVE à EDEN KARMA 68