Ecrire mon monde

Mes mots au fil des jours, mes phrases pour partager, des pages pour aller vers ce roman.

Journal improbable d’un perdu dans la folie caniculaire du covid

Vendredi 7 Août 2020

20h49

Masques, gel, distanciation et tous ces gestes ridicules il y a quelque temps mais devenus très importants en cette période gâchée par un virus si petit et si grand.

Masques, gel et distanciation. Je me répète ce trio comme une formule magique ennemie du covid. J’ai pris et je prendrai toutes les précautions. Masque, gel et distanciation. Sur le quai de la gare, j’attends ce signal sonore qui me dictera d’entrer dans ce wagon aseptisé. J’ai peur.

Il y a très peu de monde. La chaleur envahit les lieux. Les murs semblent cuits par cette canicule estivale. L’air est étouffant.

Signal de la part de cette jeune femme que l’on ne croisera jamais. C’est l’heure et tel ce crapuleux qui ne voudrait heurter les plus sensibles, j’entre dans le train – destination Paris-.

21h30

Dans mon siège, je me cache de cette molécule qui aime tant le confinement. Loin des autres, loin de la vie, j’attends la fin de ce trajet soleil couchant.

Et j’avais presque oublié qu’il y avait d’autres vivants au sein de cette locomotive moderne. Et la famille nombreuse arrive avec ses enfants sans masques et sans gêne… Gestes barrières oubliés, on crie et court. On vit et terrorise mon âme de peureux. Je me recroqueville et voudrais tant retrouver ma bulle qui me manquent déjà tant.

Je suis triste de ce monde devenu absent du partage.

Et des éternuements. Et de quintes de toux…

En position fœtale, je ferme les yeux.

22h22

Je m’évade au travers de la fenêtre. Le paysage défile et me dévoile ses dernières lueurs avant la nuit. Ce ciel calme et orange ne semble pas souffrir lui. Je me sens déjà sale et pollué. Je ne me serai jamais imaginé autant fébrile en ces temps lugubres.

22h50

On voit les gens à moitié. Des cheveux, un front et des yeux méfiants. Il devient très délicat de cerner ces personnages. Une vie à 50% et sans partage. TRISTESSE à 100%.

23h09

Je voudrai renier ma vessie et ne pas aller dans ces toilettes maculées de saleté. Gare de l’Est ou four chaleur tournante 160 degrés. JOIE.

Samedi 8 Août 2020

06h03

La transpiration me lie d’amitié avec le matelas. Je suis collé, et trempé. Je me lève pour aller à la fenêtre au contact de la fraicheur matinale. Four chaleur tournante 100 degrés. J’ouvre le frigo pour me souvenir du froid. La journée va être longue. 

11h09

Je marche tel un zombie perdu dans une ville vide de vie. L’espace et l’absence de bruit me terrifie. De rares personnes marchent sans même se voir. On ne s’évite plus tant les rues semblent s’être élargies. Les magasins nous offrent leur rituel de gel hydroalcoolique et de sens de visite à respecter sous peine de ne pas trouver ce pull violet qui irait si bien avec son masque bleu.

13h06

Les terrasses des restaurants parsèment des tables pour que personne ne puisse venir se coller. On demande une place pour quatre mais ces petits ronds en bois ne peuvent que réserver leur équilibre qu’à deux amoureux dans cette ville de l’amour. Le serveur, si professionnel, décide d’accoler deux tables pour régler ce si futile problème. Il en décale, alors, une très proche de deux personnes déjà assises. Une table marquée par la transpiration écœurante du sexagénaire au poids à trois chiffres qui avait déposé avec une délicatesse approximative son bras pour se délasser.

« Vous ne pouvez pas prendre une autre table, s’il vous plaît ?

– Pas de soucis Monsieur… »

JOIE.

18h34

Je découvre un univers parallèle. Le canal Saint-Martin un samedi soir de canicule en période de pandémie mondiale. Nous sommes revenus en Août 2019. Il n’y a pas de masques ni de distanciation. Les terrasses sont bondées. On se baigne, on boit, on joue à la pétanque et on ne craint plus le covid. J’ai l’impression d’être ce voyageur temporel qui voudrait tant revenir chez lui. Je n’ose plus marcher. Je n’ose plus respirer. Il y a trop de monde…

22h32

« 4 pintes s’il vous plaît !

-Ok, ça roule… »

J’attends gentiment, décalé de ce bar dangereux et effrayant. Les coudes sont posés, les mains se collent puis glissent, les épaules se touchent et des vapeurs sortent des corps. Je m’écarte et tiens bon malgré cette populace qui ne semble pas perturbée. J’observe ce barman au métier tragique. Armé de son masque, de sa visière et de toute sa peur de ne plus travailler, il remplit, avec abnégation, ces gobelets. Et la mousse évapore les derniers élans d’espoir qui m’animait. Ce bar tender des quais de Paris me regarde, me sourit et, à l’aide de son doigt qui a touché tant d’autres surfaces susceptibles d’être contaminées, il enlève soigneusement le surplus de mousse de mes verres. Il s’applique à bien frotter son anatomie sur les bords qui rencontreront nos lèvres. Son geste lui semble bienveillant. Je le remercie oralement. J’aurais envie de lui cracher dessus…

Dimanche 9 Août 2020

02h54

Un campagnard qui rencontre un livreur UBER. Un perdu dans la folie caniculaire du covid qui ne peut s’empêcher de frémir face à des mains moites qui laissent des empreintes suspectes sur les boites de pizza.

08h00

Four chaleur tournante 40 degrés. Je pars et la chaleur aussi… Je file sous la douche. Je frotte et frotte encore. Je serais prêt à prendre de la javel pour peaufiner le travail. J’ai presque envie de suivre les conseils sanitaires de Donald Trump et de boire une bonne gorgée de ce doux breuvage.

11h34

L’autoroute me libère. Je respire déjà mieux.

13h15

Je retrouve mon pays, mon village et mon clan. Ma bulle est belle et elle me protégera…

Millions de cœurs 45

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