Retrouver ce temps
Une douce mélancolie me souffle dans le cou. Je me retourne, ainsi, sur ces années où il suffisait d’attendre pour espérer rêver.
Une époque, déjà lointaine, pour ne pas déceler de danger. Ne plus craindre l’autre. Ne se dévoiler qu’aux vivants. Ecrire au stylo et envoyer ces lettres qui se cachaient dans ces coffres de souvenirs devenant trésors d’une vie. Téléphoner et se parler sans attendre la suite. Se regarder. S’écouter. Être ensemble sans s’oublier.
Je voudrais retrouver ce temps où le rêve se souhaitait, où la poésie se lisait et où le magnifique éphémère s’admirait. Des questions restaient parfois sans réponses mais la vérité s’adoptait sans s’imposer. Les fêtes se distillaient sans être filmées et les photos, si rares, devenaient symboles de souvenirs parfaits. L’attente s’acceptait. La musique se touchait et vieillissait. La télé était spectacle parfois sans couleurs. Le temps était fabuleusement lent. Les mondes de chacun se chevauchaient si peu. L’excès refusait la peur. La distance respirait.
Je voudrais retrouver ce temps.
Aujourd’hui les rêves se digitalisent et se perdent. Le fanatisme du nombre de vue lacère nos morales. On devient esclave de ces « j’aime » inquisiteurs d’une amitié virtuelle. L’instantané maudit fait vaciller l’espoir du lendemain et les rêves deviennent projets pour s’offrir davantage de noblesse. La vitesse est une valeur supérieure.
Je ne voudrais, cependant, pas devenir ce vieux aigri qui aboie avec colère sont regret d’antan. Je voudrais, juste, avoir ce temps d’attendre un peu le merveilleux comme ce petit enfant qui patiente le soir de noël. Je voudrais, juste, imaginer, craindre et rêver…
On ne saura jamais ce que ce futur nous offrira…
Laissons-le venir sans le bousculer.
Laissons-nous le temps de vivre un doux espoir contemplatif…
Millions de cœurs 47
Ecrire mon monde 