Ecrire mon monde

Mes mots au fil des jours, mes phrases pour partager, des pages pour aller vers ce roman.

Journal de la plage

1er jour :  Samedi 10 juillet 2021, 16h55, Plage d’Omaha Beach, Normandie.

Une pluie délicate rafraichit nos visages et le ciel sombre affronte un sable gris foncé. Les vagues se discernent à peine car la marée a repoussé les eaux au plus loin. Les mouettes accompagnent nos regards émerveillés par les lieux. Nous serions mieux près du feu, dans la chaleur du foyer, mais la plage, si grande aujourd’hui, nous ouvre pour s’amuser sans se bousculer des ennuis. On l’attendait depuis si longtemps. Les gouttes arrosent avec tendresse sa chevelure, les enfants courent autour de nous, les voix s’élèvent et les échos de leur joie de revoir la mer ne se dissiperont plus.

Nos regards se croisent alors et une folie joyeuse nous envahit. On court et les cris raisonnent pour laisser les passants sourire face à cette insouciante joie. Il n’y a personne dans l’eau mais on s’enfuit, à peine déshabillés, dans une baignade inconsciente. On se jette dans la mer sans penser à l’après frileux. On est trempé mais heureux. On se balance dans l’eau, on plonge dans les vagues. La manche n’attendait que nous. On s’éclabousse de joie et l’écume pétille pour nous laver de nos peurs.

On ressort avec ce froid très joyeux et il faut, maintenant, vite rentrer pour se réchauffer. Le soleil n’est pas venu mais nos cœurs ont éclairé la plage. Les mouettes semblent surprises de nous voir perdre la raison. « C’était trop bien de faire n’importe quoi papa ! ».

Un instant de démence douce à s’amuser et perdre pied dans la vie terne de ceux qui attendent.

Mardi 13 juillet 2021, 18h30, Plage de Saint Cast-le-Guildo, Bretagne.

La plage se baigne du soleil couchant. Les ombres deviennent grandes et le sable presque rosé. Les coquillages se parsèment ici et là de leurs couleurs et formes de tous les âges. Pierres magiques et reliques anciennes pour combattre l’obscurité fondent une cité d’or ancestrale.

Elle est à mes côtés. Elle est plus loin. Il se bat avec les lumières du soir. Nous devenons aventuriers en quête de ces trésors que nous trouverons qu’ici. Le silence nous berce et nos sacs se remplissent. On parcourt la plage sans se gêner, sans se parler et en se regardant à peine. Les secondes se transforment en heures et le temps se fige. Nous devenons peinture. Une aquarelle aussi belle que simple, aussi naturelle que mystique … Il y a nos sourires et le partage de ces joyaux.

Samedi 17 juillet 2021, 16h00, Plage de Port-Marie, île Chausey.

L’aire est juste chaud tant le vent frotte notre envie. On s’approche de l’eau et déjà le froid vient se heurter à cette joie enfantine des premiers jours. Nos pieds se perdent dans la mer et les frissons nous parcourent. Ses larmes l’assaillent. On devient guerriers sans peur et nos corps s’oublient dans la Manche. On ressort le souffle court et les yeux étourdis. Il fait si froid dorénavant.

Même le bleu émeraude qui entoure ces rochers millénaires ne pourra parvenir à ôter la chair de poule de nos corps.

« Viens papa, on retourne dans l’eau ? ». Allez ! on repart.

Dimanche 18 juillet 2021, 15h00, Plage Pen Guen, Bretagne.

Elles dévoilent l’art subtile du « splash on the rocks ». On ne sait plus comment ce nom est né mais on franchit si vite les limites de notre enthousiasme. L’eau est si chaude aujourd’hui. On s’enfuit dans la mer avec cette joie qui nous verra bientôt dompter les « splash on the rocks », jeu qui n’appartient qu’à nous et qui nous suit en tous lieux.

Je les jette dans l’eau. Elle vole, semble léviter puis plonge dans la mer. Sa sœur s’élève et ses cheveux s’étendent par-delà la plage immense. Chacune leur tour, elles réalisent des bonds de géants pour éclabousser leur père qui voit sa force diminuer petit à petit. Il les lance avec des sourires, elles volent avec des rires. Elles font lever la mer et l’écume inonde nos visages.

L’art discret du « splash on the rocks » est à nous … Et nous le dévoileront pas …

« On retourne faire des splash on the rocks » ?

Et la plage devient son terrain de jeu de plus en plus grand au fil de la marée. Il devient dinosaure, cuisinier, arroseur et architecte pour de tout petits châteaux sans murs. Il court le sourire aux lèvres. Parfois, il déposera délicatement ses pieds dans l’eau mais repartira aussitôt pour de nouvelles aventures… la mer est encore trop froide pour ce petit cœur.

Dimanche 18 juillet 2021, 22h00, Plage du Rougeret, Bretagne.

La mélodie des vagues sur le rivage berce notre contemplation. Le silence devient le maître d’orchestre de notre instant et nos yeux se fixent sur le couchant. Le soleil se noie dans la mer et les couleurs valsent fabuleusement. Il laisse échapper une trainée de son feu si chaleureux sur la plage humide de la marée. Le jaune devient rouge puis orange puis rose puis tellement doux que les teintes ne sont plus à même de se décrire. Nos regards se perdent là-bas… Le coucher du soleil est magique pour ceux qui croient encore en la beauté de la nature. Et de l’autre côté, notre étoile se lève pour d’autres regards émerveillés.

Lundi 19 juillet 2021, 17h30, Plage Pen Guen, Bretagne.

Je sors de l’eau avec mes filles et ce cours de natation si important pour leur coffre à souvenirs. On la rejoint. Elle attend avec le petit et ce câlin de famille se transforme en « loup touche touche ». On court, rit et dépasse la mauvaise fois en riant de plus belle. Il nous suit dans nos échappées aux trajectoires désordonnées et joue, pour de faux, avec nous. Il n’y a plus que notre clan sur la plage. Nous sommes seuls… nous sommes heureux…

Mardi 20 juillet 2021, 15h30, Plage du Saussaye, Bretagne.

Le temps pour enterrer et ne laisser que leur tête dépasser est ancien, le sable connait dorénavant d’autres vertus beaucoup plus artistiques.

Elle me regarde et le défi devient si joliment attrayant. Quel château de sable sera le plus beau ? le sien ou le mien ?

Le duel voit nos artisans ouvriers se démener derrière nos ordres joyeux. On ne parle plus car les adversaires ne sont plus amis. Elle scrute mes fondations et j’inspecte ces remparts. Je rigole et glisse par un hasard fâcheux sur ces tours. Elle jette sans le vouloir de l’eau sur mon pont-levis. Elle me sourit. Nos enfants jouent de notre amoureuse compétition et chacun donne un avis sans gêne sur nos créations.

J’ai fait le plus beau des châteaux de sable. Non ! C’est peut-être le sien finalement … 

Dernier jour : Jeudi 22 juillet 2021, Plage Pen Guen, Bretagne.

14h30 … On marche dans une eau transparente qui nous donne cette illusion de naviguer dans un aquarium. On aperçoit des crabes craintifs qui glissent si vite pour disparaître. On croise des bancs de petits poissons que l’on tente maladroitement d’attraper avec nos sauts futiles. Les mouettes nous surveillent et le temps s’en va …

16h30 … Je suis assis sur le sable à contempler mon clan. Elles jouent dans l’eau, sourires au corps et bonheur au cœur. Il est à mes côtés à se créer des tas de sables devenus œuvres d’art des âmes de deux ans. Le vent effleure mon visage avec une délicatesse si bienveillante qu’il pourrait presque me convaincre de m’endormir. Je somnole de joie face à ma vie que m’octroie les miens. Je suis serein…

17h00 … Il se lance enfin à l’assaut de la mer. Mais son sourire me laisse croire qu’il ne serait que mieux dans les eaux plus chaudes de notre piscine…

La Manche revient vers nous et la marée recouvre l’immense plage. Les profondeurs ne se discernent plus dans car tout se trouble. Les nuages parsèment maintenant le ciel et le sable se fonce. Comme sur la palette que le peintre lave à chaque fois qu’il clôture son art, les couleurs s’enfuient. Les teintes ne brillent plus.

On s’en va et l’instant se mue en souvenir.

Sur ces plages, il y avait quelques coquillages, un soleil mythique, du sable de toutes les couleurs, un peu de vent, cette immensité qui fait écho à nos joies, ma famille et … la beauté éphémère qui rend si heureux.

Pour ne plus chasser ce temps.

Ne plus oser croire d’aller contre l’impermanent.

Ne plus tenter de souffler plus fort que le vent.

Millions de cœurs 55

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